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La clause d'exclusion de garantie en droit des assurances

Une clause d'exclusion de garantie peut être incluse dans le contrat d'assurances, permettant à l'assureur d'opposer un refus de garantie à son assuré lors de la survenance d'un sinistre. Cette clause est-elle valide?

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Le contrat d'assurances se définit entre les parties

Bien que le contrat d’assurance soit un contrat très règlementé, avec un formalisme rigoureux imposé par le Code des assurances, il n’en demeure pas moins un contrat consensuel, l’écrit n’étant exigé que pour des questions de preuve, et son absence ne fait pas échec à la validité du contrat.

Le principe reste donc celui de la détermination conventionnelle des garanties.

Cette détermination découle en réalité de la liberté contractuelle (article 1102 du Code civil).

Cette liberté laisse ainsi la possibilité pour les parties au contrat d’assurance (comme à tout contrat) « de convenir du champ d’application du contrat et de déterminer la nature et l’étendue de la garantie » (Civ. 1re, 24 mars 1992, n° 90-17.862).

« Le processus de spécification, qui tend à déterminer l’objet de la garantie, s’opère généralement en deux étapes. Dans un premier temps, il convient de définir le risque devant être a priori couvert. Dans un second temps, il s’agit d’exclure de la garantie certains éléments du risque, que l’assureur ou l’assuré ne souhaitent pas voir pris en charge pour des raisons économiques ou techniques. La définition du risque contribue ainsi à préciser l’objet de la garantie, qui est ensuite restreint par le jeu des exclusions » (L. Mayaux, La couverture du risque)

Le principe est donc que le contenu de la garantie d’assurance est déterminé par le contrat. Il l’est positivement par des clauses définissant le risque couvert (#les activités déclarées) et délimitant ainsi l’« aire contractuelle ».

Il l’est également négativement par la clause d’exclusion de garantie, sortant ainsi de la garantie prévue les hypothèses déterminées par l’assureur.

La clause d'exclusion de garantie ne constitue pas une condition de garantie

A côté des clauses légales d’exclusion de garantie (faute dolosive ou faute intentionnelle), il existe la possibilité de prévoir dans le contrat d’assurance des clauses d’exclusion particulières.
 
Il s’agit de la clause d’exclusion de garantie conventionnelle.
 
C’est l’article L. 113-1, alinéa 1 du code des assurances qui précise que :
« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police« 
L’objectif a toujours été de définir la clause d’exclusion de garantie, et sa différence avec la condition de garantie.
 
Après quelques hésitations jurisprudentielles, la Cour de cassation a posé comme principe, en 1996, que les clauses d’exclusion de garantie sont celles qui « prive[nt] l’assuré du bénéfice de la garantie des risques […] en considération de circonstances particulières de réalisation du risque » (Civ. 1re, 26 nov. 1996, n° 94-16.058).
 
Le principe était donc clairement posé: la condition de garantie doit être retenue lorsque l’évènement visé par la clause affecte en permanence le risque couvert.
 
Ainsi, devoir installer un coffre-fort pour ses bijoux est une condition de garantie, ne pas les avoir placés lors du cambriolage est une exclusion de garantie.
 
La différence est poreuse et a surtout pour objectif de contenter les avocats car l‘enjeu pratique de la qualification est en réalité particulièrement important.
 
Tandis que l’assuré est tenu de prouver qu’il a respecté une condition de garantie (Civ. 1, 29 oct. 2002, n° 99-10.650), il appartient à l’assureur de rapporter la preuve d’une exclusion de garantie (Civ. 2e, 21 fév. 2013, n° 12-17.528).
 
Surtout, si une clause de condition de garantie doit seulement être « claire et précise » (Civ. 3e, 18 mars 1992, n° 90-10.292), le législateur subordonne la validité des clauses d’exclusion de garantie au respect de strictes conditions de fond et de forme : nécessairement formelles et limitées (article L. 113-1, al. 1 du Code des assurances), elles doivent en outre être mentionnées en caractères très apparents dans la police (article L. 112-4 du même Code).

Les conditions de validité des clauses d'exclusion de garantie

A la différence des conditions de garantie qui doivent être prouvées par l’assuré, il appartient à l’assureur de démontrer la clause d’exclusion de garantie et de défendre sa validité, sous peine de voir les juges l’annuler (ou la déclarer « réputées non-écrites »).

La première exigence est donc celle de l’écrit, la clause devant être incluse dans la police.

Par ailleurs, la clause doit être formelle, cela signifie qu’elle doit être écrite mais surtout claire et précise, de sorte que les juges du fond ne saurait les interpréter, au risque d’y voir le non respect de cette condition légale (Civ. 1re, 22 mai 2001).

La clause d’exclusion ne doit pas être ambiguë, c’est-à-dire susceptible de deux sens différents, au risque d’être réputée non écrite, et doit être suffisamment précise  pour « permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de sa garantie » (Civ. 2e, 18 janvier 2006, no 04-17.872).

L’article L. 113-1 du code des assurances impose également que la clause d’exclusion soit limitée.

Pour apprécier ce caractère limité, la jurisprudence analyse le champ de garantie et compare la clause d’exclusion pour déterminer par soustraction si, ce qui reste couvert, est dérisoire (Civ. 2e, 27 avr. 2017, no 15-24.561).

C’est d’ailleurs autour de ces notions d’ambiguïté et du caractère limité de la clause  que s’est ouvert un vaste débat judiciaire autour du contrat d’assurances « pertes d’exploitation » durant les confinements et couvre feu décidés à la suite de l’épidémie de la COVID-19.

En effet, l’essentiel des polices attaquées prévoyait une garantie en cas d’épidémie, mais une clause prévoyait une exclusion en cas d’établissements fermés dans le même département (exclusion alors incompatible avec la couverture prévue, puisque par définition une épidémie a vocation à toucher plusieurs établissements de même type).

Quelques exemples de clauses d'exclusion de garantie

La clause excluant de la garantie le vol commis alors que les clefs sont à l’intérieur du véhicule ne trouve pas à s’appliquer lorsque le vol est perpétré à la suite de violences (car-jacking). En l’absence de violences ou de menaces concomitantes au vol, les juges du fond appliquent à bon droit la clause d’exclusion après avoir constaté que le vol n’aurait pu avoir lieu sans la présence des clefs à bord (Cass. Civ. 2ème 8 octobre 2020, n°19-19.499).

La clause stipulant que « n’entre ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui« , prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque et constitue dès lors une clause d’exclusion de garantie (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n°20-14.094).

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  • Dernière modification de la publication :21 février 2022