AVOCAT MOUY

La faute et la responsabilité du Notaire : une exigence absolue de conseil et d'efficacité juridique

La responsabilité civile professionnelle du Notaire est la responsabilité la plus exigeante des professionnels du droit. Son devoir de conseil est absolu, et son obligation d'efficacité juridique est de résultat. Explications.

SommaireToggle Table of Content

I. La responsabilité du Notaire : délictuelle ou contractuelle?

Le régime de responsabilité applicable à la profession de Notaire est important à définir.

En effet, il convient de rappeler qu’il existe en droit français deux régimes généraux de responsabilité: la responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle.

La détermination de la nature juridique de la responsabilité des Notaires est un préliminaire nécessaire puisqu’avant d’entreprendre n’importe quelle action en responsabilité, il faut en effet pouvoir la situer soit dans le cadre de la responsabilité contractuelle, soit dans celui de la responsabilité délictuelle.

Cette distinction est importante puisque la Cour de cassation n’admet ni l’option entre les deux ordres de responsabilité ni le cumul (cassation 2ème civile, 9/06/1993).

La responsabilité civile délictuelle est une responsabilité de droit commun. Elle sanctionne la méconnaissance des règles ou le non respect d’une obligation contenue non plus dans une convention comme pourrait le sanctionner la responsabilité contractuelle mais dans l’autorité d’une loi ou d’une règle statutaire.

Se prononcer sur la nature juridique de la responsabilité notariale revient par conséquent à rechercher s’il existe un contrat reliant le Notaire à son client, ou bien si l’obligation enfreinte provient de son statut, obligation qui est par conséquent directement ou indirectement opposée au Notaire par le législateur ou par les règles de sa profession.

La Doctrine était pour sa part divisée sur le fait de savoir si effectivement la responsabilité du Notaire relevait du caractère contractuel ou du caractère délictuel.

La jurisprudence a, quant à elle, adopté des solutions pragmatiques qu’il convient de développer.

Pour être clair, la Cour de cassation a admis que selon l’activité du Notaire, la responsabilité civile revêtait un caractère contractuel ou délictuel :

  • Lorsqu’en effet le Notaire intervient en qualité d’officier ministériel et qu’il méconnait l’une des obligations de sa fonction, sa responsabilité sera délictuelle ;
  • En revanche, lorsqu’il agit en qualité de mandataire ou de gérant d’affaires, c’est-à-dire qu’un contrat spécifique le lie à son client, sa responsabilité sera de nature contractuelle ou quasi contractuelle (la gestion d’affaires fera en effet intervenir la responsabilité quasi contractuelle).
 

A la lumière de cette distinction, vous comprendrez que la majorité des contentieux font bien souvent appel à la responsabilité délictuelle et que la responsabilité contractuelle est en quelque sorte une responsabilité d’exception.

II. Quels sont les devoirs du Notaire?

La jurisprudence s’est rapidement attachée à incomber aux Notaires deux devoirs professionnels fondamentaux qui encadrent l’intégralité des activités notariales :

  • le devoir d’authenticité et sa composante prétorienne qu’est le devoir d’utilité et d’efficacité des actes qu’ils accomplissent ;
  • le devoir de conseil.

Ces deux devoirs sont liés en réalité. L’efficacité d’un acte est in fine comprise dans le devoir de conseil puisqu’assurer l’efficacité d’un acte, c’est en quelque sorte aboutir que celui-ci une fois rédigé produit toute les conséquences attendues par ses signataires.

Le devoir d’efficacité et d’utilité des actes est un devoir lié au statut du Notaire. Il est en effet attaché au fait que le législateur a pour certains actes imposé la forme authentique afin de renforcer leur force probante et exécutoire et d’assurer leur opposabilité aux tiers. Il a par ailleurs et corrélativement investi le Notaire du pouvoir d’authentification et c’est pour cela que la jurisprudence s’avère très sévère lorsqu’un acte authentique est entaché d’une défaillance qui ne permet pas sa pleine efficacité.

Mais attention, efficacité ne veut pas dire exécution spontanée par les parties.

Assurer l’efficacité d’un acte ne suppose pas que les parties l’exécuteront de bonne foi. En revanche, si une partie n’exécute pas ses obligations, assurer l’efficacité de l’acte revient à permettre que l’un des cocontractants soit en mesure d’obtenir son exécution forcée par la partie défaillante.

Il faut donc que le notaire obtienne une exacte concordance entre les résultats souhaités par ses clients et les effets produits par l’acte notarié ; c’est pourquoi le devoir d’efficacité se présente comme un vaste devoir d’information imposé au notaire afin d’assurer la protection de la volonté des parties et se confond avec l’obligation de conseil.

Ce devoir d’information porte également sur l’opportunité de l’opération juridique et conduit à la prévention des risques encourus.

S’agissant de l’opportunité de l’opération juridique, la jurisprudence estime en effet que,  le notaire doit vérifier qu’un acte est opportun eu égard aux parties. La jurisprudence considère que le Notaire doit se renseigner sur la situation personnelle, familiale, professionnelle et patrimoniale des clients. Selon elle, cette enquête est un préalable à la rédaction de tout acte qui permettra d’apprécier si l’acte est opportun ou, en revanche, inutile.

Toutefois, il n’appartient pas au Notaire de vérifier l’opportunité économique d’une opération immobilière par exemple, de même qu’il ne lui incombe pas, en matière de vente par exemple, de juger du prix convenu par les parties (sauf si le prix est manifestement vil ou dérisoire, aboutissant à une donation déguisée).

Dans un deuxième temps, assurer l’efficacité de l’acte, c’est également prévenir des risques qu’il peut comporter.

La jurisprudence estime que le Notaire doit, eu égard à son devoir de conseil, informer l’ensemble des risques que peuvent comporter les actes qu’il dresse.

Par exemple si le Notaire reçoit une vente d’un immeuble en construction, il doit vérifier que le permis de construire est conforme à l’immeuble construit, ou encore qu’aucune disposition du plan local d’urbanisme n’empêche la construction.

Le Notaire doit également avertir la caution des dangers auxquels elle s’expose, même si ses engagements restent dans la limite de ses facultés.

Il doit aussi informer le cessionnaire d’un bail commercial de la nécessité de respecter les formalités de l’article 1690 du code civil, c’est-à-dire la signification au bailleur ou acceptation de celui-ci dans un acte authentique, afin de rendre la cession opposable au bailleur et de ne pas être privé du droit de demander le renouvellement du bail.

Dans le cas d’une vente portant sur un immeuble construit ou ayant subi des travaux de rénovation depuis moins de 10 ans, il lui appartient de vérifier que l’assurance dommages ouvrages est effective et à défaut, eu égard à son obligation de conseil, insérer dans l’acte une clause précisant à l’acquéreur que le bien est vendu sans dommages ouvrages et que cette assurance n’est pas effective.

III. Le devoir de conseil du Notaire est absolu

Les tribunaux ont imposé très tôt à la profession de Notaire cette obligation de conseil et d’information.

Elle est intervenue pour la première fois dans un arrêt de la Cour de cassation du 2 avril 1872.

Les Notaires ont été les premiers professionnels du droit auxquels cette obligation a été imposée par les tribunaux.

La jurisprudence a considéré que les Officiers ministériels ne pouvaient être de simples scribes, témoins passifs des accords contractuels passés entre deux parties.

Leur votre fonction d’officier public ministériel les oblige à assurer la sécurité juridique des actes qu’ils rédigent et par conséquent qu’ils devaient assurer à l’égard des parties une obligation de conseils renforcée, c’est-à-dire leur donner une information complète sur tout ce qui pourrait venir menacer ou compromettre l’opération juridique qu’elles se proposent de réaliser.

Le devoir de conseil est aujourd’hui un devoir impératif dont rien ne saurait les dispenser. Il fait en effet, selon la jurisprudence, partie intégrante de l’exercice de la fonction notariale.

En outre, il revêt un caractère absolu (principe posé la première fois suivant arrêt de C.Cass. du 28 nov. 1995). La jurisprudence considère que le Notaire n’est pas déchargé de son devoir de conseil par les compétences personnelles de son client (Cass. 1re civ., 3 avr. 2007), même si celui-ci est assisté par un conseiller personnel, ou s’il est lui-même Notaire.

La responsabilité du Notaire est donc vaste et exigeante, permettant de réparer intégralement le préjudice subi.

IV. Le Notaire dispose-t-il d'une assurance?

Tout comme la responsabilité de l’avocat, la responsabilité du Notaire est couverte par une assurance responsabilité civile professionnelle.

Le contrat d’assurance est un contrat groupe, souscrit pour toute la France par le Conseil Supérieur du Notariat.

Une réclamation amiable, en cas de préjudice subi par une faute du Notaire, fait naître une déclaration de sinistre, instruite par l’assureur du Notariat (et son Courtier).

En cas d’échec de la voie amiable, il faut alors engager une action judiciaire, par avocat, devant le Tribunal judiciaire, car seule la juridiction civile est compétente pour instruire une affaire de responsabilité d’un Officier public ministériel.

Le rôle du Notaire est de plus en plus vaste, et sa responsabilité de plus en plus exigeante. Jacques GHESTIN, dès 1974, à l’occasion d’une chronique rédigée dans le recueil DALLOZ, avait perçu l’avenir de la profession et mis la lumière sur l’importance de l’assurance : « l’exercice de la profession des Notaires est aujourd’hui d’une extrême difficulté. On exige qu’ils ne se trompent jamais, alors que l’abondance et la complexité des textes et des transactions multiplient les risques d’erreurs. L’assurance heureusement intervient pour rendre ces risques supportables ».

Le cabinet Avocat MOUY, compétent en droit de la responsabilité, assiste et conseille ses clients en cas de préjudice subi par la faute d’un professionnel. En cas de blocage de la voie amiable, nous représentons judiciairement nos clients pour obtenir satisfaction. 

  • Post category:Responsabilité
  • Dernière modification de la publication :1 juillet 2022