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Avocat MOUY
Les conséquences fiscales d'une indemnisation sont sans effet sur son calcul
Dans un arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation est venue rappeler un principe déjà posé : "Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime" (Cass. Sociale, 6 avril 2022, n° 20-22.918)
Dans cette affaire, un salarié, engagé à compter du 1er octobre 2001 par une société X. en qualité de conducteur routier, occupant en dernier lieu un poste de magasinier cariste, a été licencié le 19 novembre 2013.
A l’issue des recours devant les juridictions, il a été réintégré le 1er février 2016 au poste de cariste.
Dans l’hypothèse d’une réintégration dans son emploi, le salarié a potentiellement droit au versement d’une indemnisation couvrant l’intégralité des salaires qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et son retour effectif dans l’entreprise (Cass, Soc. 25 janvier 2006, n°03-47.517).
Toutefois, si le salarié ne sollicite pas sa réintégration (parce qu’il ne le souhaite pas ou a déjà retrouvé un travail), le Code du travail prévoit le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (Articles L.1235-3-1 et L.1235-11 du Code du travail).
En l’espèce, le salarié, qui avait sollicité et obtenu sa réintégration, a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration.
En outre, faisant valoir que le paiement en une fois de salaires couvrant plusieurs années, entraînerait une majoration de son impôt sur le revenu.
Estimant que cette majoration était une conséquence directe de son licenciement déclaré nul (puisque découlant encore plus directement de sa réintégration), il demandait au Conseil des prud’hommes l’allocation de dommages-intérêts pour majoration d’impôt sur le revenu.
La Cour d’appel, dont l’arrêt était attaqué devant la Cour de cassation, avait fait droit à la demande du salarié, et avait condamné la société au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration de l’impôt sur le revenu.
Contestant cette position, la Société a formé un pourvoi soutenant que:
« que lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié protégé a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; que la majoration de l’impôt sur le revenu qui est dû au titre de cette indemnité ne constitue pas un préjudice réparable ; qu’en mettant à la charge de l’employeur la majoration de l’impôt sur le revenu de M. [U] résultant du versement en une seule fois de cette indemnité représentant près de deux années de salaire, la cour d’appel a violé l’article L. 2422-4 du code du travail. »
La position de la Cour d’appel pouvait paraître totalement logique sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice, puisque si le licenciement litigieux n’avait pas eu lieu, le salarié n’aurait pas subi de majoration d’impôts, majoration qui in fine diminuait les indemnités auxquelles il avait droit.
La Cour de cassation casse l’arrêt soumis, rappelant le principe qu’elle avait déjà affirmé:
« En statuant ainsi, alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime, la cour d’appel a violé les textes et principe susvisés. »
Cette position peut surprendre car elle limite une fois encore le principe de réparation intégrale, après avoir exclu récemment du calcul de l’indemnisation la TVA afférente à une opération de reconstruction, aux motifs que celle-ci n’était pas envisagée.
Elle l’avait toutefois déjà exprimée :
- à l’occasion d’une indemnisation dans le cadre d’un accident de la route (Civ. 2ème, 8 juillet 2004, n°03-16173);
- dans le cadre d’une action en responsabilité contre un expert-comptable et un commissaire aux comptes pour des sommes détournées par un salarié (Cass. com 8 juillet 2014, n°13-19835)
La tendance de la Cour de cassation ne serait-elle pas de limiter le principe de la réparation intégrale du préjudice? Affaire à suivre…