AVOCAT MOUY

Comment préparer un procès? Quelques conseils pour aider l'instruction de votre affaire et mettre toutes les chances de votre côté.

Préparer un procès, c'est préparer les preuves qui accompagneront la démonstration de notre bien fondé. Dans tous les procès, les questions de preuve occupent une place considérable. Le gain ou la perte d’un procès dépend souvent de la pertinence des preuves. La théorie générale de la preuve est réglementée dans le Code civil (articles 1353 et suivants). Les modes d’administration de la preuve en justice sont réglementés dans le Code de procédure civile (articles 132 à 322).

Introduction

En général, les parties se fondent sur des documents (contrat, lettre …), appelés « les pièces », mais il arrive que ces pièces ne soient pas suffisantes pour entraîner la conviction du juge : il faut alors recourir à une mesure d’instruction (entendre un témoin, désigner un expert …). Nous n’aborderons ici que la récolte des pièces, nécessaires au succès de notre affaire. Les mesures d’instruction, dont l’expertise judiciaire et l’acte d’Huissier, seront traitées dans un autre article.

Dans le dossier de plaidoirie des avocats, il y a toujours des pièces :

« qui dit faits dit preuve ; qui dit preuve dit pièces »

La justice est plus une affaire de preuve que de vérité, raison pour laquelle la Cour de cassation a enfin consacré l’existence du droit à la preuve en 2012, dans un important arrêt de principe (Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-14.177) et a consacré ce droit comme  un nouveau principe général de procédure civile.

Quelles sont les pièces utiles à récolter pour maximiser les chances de succès de son affaire et dans quelles conditions?

Les écrits : reine des preuves pour préparer un procès

Le formalisme probatoire posé par le Code civil vise à faciliter la preuve des faits qui sont allégués.

Afin de prouver l’obligation d’une partie à son profit, le Code civil a toujours préféré la preuve par l’écrit.

L’écrit est le mode privilégié de preuve qui s’est imposé au XVIème siècle. Aujourd’hui, l’écrit électronique est totalement assimilé à l’écrit papier (article 1366 du Code civil).

  • Le principe de l’écrit

L’article 1364 exige un écrit pour prouver les « actes juridiques » , c’est à dire les actes créant des obligations dont on se prévaut à l’encontre de la partie adverse (contrats, etc…).

Deux modes de preuves permettent de passer outre la prédominance de l’écrit :

  • l’aveu : si la partie adverse avoue, cela emporte la preuve au-delà de l’écrit
  • le serment.
  • Les tempéraments

La tendance générale est à l’abandon du formalisme et de l’écrit pour privilégier la liberté de la preuve qui permet au juge de se forger son intime conviction avec des moyens variés, divers.

Exemple :  Entre commerçants, la preuve est libre (L 110-3 du Code de commerce).

On va ainsi voir émerger des domaines et des situations où l’écrit ne sera pas formellement exigé, et pourra être remplacé par d’autres modes de preuve (témoignages, présomption, etc…).

A titre d’exemple, entre un commerçant et un particulier, la preuve est libre contre le commerçant mais en revanche un écrit sera exigé s’il s’agit de prouver contre le particulier.

Si aucun écrit ne peut être fourni, il faut alors réunir le maximum d’éléments permettant de forger la conviction du juge: il est possible alors d’apporter ce que l’on appelle un commencement de preuve par écrit (une sorte d’indice) du fait de tout acte écrit qui rend vraisemblable le fait allégué et qui émane du défendeur à l’action. Exemple : des courriers. La jurisprudence interprète largement la notion de commencement de preuve par écrit. Il pourra être complété par des témoignages, des présomptions.

Enfin, il sera noté que le système probatoire français n’est pas d’ordre public ce qui veut dire que les parties peuvent très bien y déroger par convention. Exemple : dans le contrat entre les banques et les clients il est prévu que la composition du code confidentiel équivaut à la signature manuscrite.

Les déclarations des tiers ( = la preuve par les témoins)

Lorsqu’aucun écrit ne permet de démontrer un fait passé, on peut recourir aux déclarations des tiers.

Il s’agit ici de recueillir les témoignages des personnes étrangères à l’instance (et non les déclarations des parties), qui vont dire ce dont elles ont personnellement connaissance. La preuve par témoins peut être administrée soit oralement par enquête (1) soit de façon écrite par attestations (2).

  • La forme orale : l’enquête

Les juges n’ordonnent presque plus d’enquêtes, faute de pouvoir disposer du temps nécessaire à l’audition des témoins. On les rencontre encore devant les Conseils de Prud’Hommes et, quelque fois, devant la cour d’appel.

Les articles 222 à 231 distinguent l’enquête ordinaire (minutieusement réglementée : articles 222 à 230) et l’enquête sur le champ (article 231) qui est en quelque sorte une enquête spontanée et qui n’obéit presque à aucune règle de forme (les témoins sont sur place : par exemple, des salariés venus réconforter aux Prud’Hommes, par leur présence dans la salle d’audience, leur collègue licencié qui réclame des indemnités ; il est alors facile pour le tribunal de les interroger).

  • La forme écrite : les attestations

Les attestations, qui existaient depuis longtemps dans la pratique, ont été officialisées par le nouveau Code de procédure civile (article 202). Elles sont extrêmement fréquentes dans les dossiers.

L’attestation, qui est un acte écrit, doit être datée, signée par son auteur, avec en annexe une photocopie d’un document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. Elle n’est pas obligatoirement manuscrite : elle peut être dactylographiée, du moment qu’elle est signée par son auteur.

Elle doit comporter les nom, prénom, date et lieu de naissance, demeure et profession de l’auteur de l’attestation. Celui-ci doit préciser son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts.

Elle doit indiquer qu’elle est établie en vue de sa production en justice et qu’une fausse attestation expose son auteur à des sanctions pénales.

Ces diverses formalités exigées par l’article 202 ne sont pas prescrites à peine de nullité et la Cour de cassation a jugé à de très nombreuses reprises qu’il ne s’agit pas de formalités substantielles (Cass. 1ère civ., 30 nov. 2004 : JCP 2005, IV, n° 1 076 ; Cass. 1ère civ., 14 déc. 2004 : JCP 2005, IV, n° 1 214). Le non-respect de ces formalités n’entraîne donc pas la nullité de l’attestation : il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur et la portée d’une attestation ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 202 du Code de procédure civile (Cass. 2ème civ., 20 mars 2003 : JCP 2003, II, 10 131, note Emmanuel du Rusquec, pour une attestation non datée). Le juge peut toujours décider de procéder à l’audition de l’auteur de l’attestation, ce sera alors une enquête.

Les attestations sont soumises au principe de la contradiction : elles doivent être communiquées à la partie adverse. En pratique, elles sont traitées comme des pièces et communiquées avec les autres pièces.

Pour éviter toutes difficultés, il convient d’utiliser le formulaire Cerfa 11527*03 mis à disposition pour recueillir les attestations de témoins. 

La loyauté dans la collecte de la preuve pour bien préparer un procès

La combinaison des articles 6 et 9 du code de procédure civile oblige les parties au procès à invoquer les faits propres à justifier leurs prétentions, de sorte qu’une demande en justice doit être rejetée si les faits allégués ne sont pas prouvés.

Les parties au procès ont donc la charge d’alléguer et de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions, mais, en matière civile, les preuves ne doivent pas être obtenues par un procédé déloyal.

Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée d’une personne qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

La loyauté de la preuve interdit donc un enregistrement clandestin d’une conversation téléphonique par exemple (Cass. 2ème civ., 7 oct. 2004), sauf si cette production est indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. Civ. 1ère 25 février 2016, n°15-12.403).

Cette loyauté dans l’administration de la preuve s’applique également aux Huissiers de justice (Soc. 18 mars 2008, n°06-40.852).

C’est sur ce fondement que la Cour de cassation est venue rejeter  la preuve obtenue par survol d’une propriété privée par un drone (Cour d’appel de Paris, pôle 1, ch. 3, 15 mai 2019, n° 18/26775).

Il faut donc faire très attention lors de la collecte des preuves de ne pas tomber en infraction, sous peine de sanctions civiles et pénales.

Comment préparer un procès AVOCAT MOUY
Préparer un procès
  • Post category:Procédures
  • Dernière modification de la publication :3 février 2022