AVOCAT MOUY

Le refus de garantie de l'assureur pour cause de résiliation de la police d'assurance

Certains assureurs sont tentés d'opposer un refus de garantie dès lors que la réclamation de la victime est postérieure à la résiliation de la police d'assurance. Cette résiliation ne fait cependant pas automatiquement obstacle à une prise en charge du sinistre : explications.

La nature du contrat d'assurance influe sur le possible refus de garantie d'un sinistre après une résiliation

Pour connaître l’étendue d’une résiliation d’un contrat d’assurance sur la mobilisation de la garantie, et apprécier si un refus de garantie pour cause de résiliation peut être fondé, il convient d’ores et déjà de définir quel est le type de contrat d’assurance visé.

En effet, il existe deux types de contrats d’assurance qui se démarque par le déclenchement de sa garantie (article L. 124-5 du Code des assurances).

Le premier contrat d’assurance est dit à base « fait dommageable ».

Le deuxième contrat d’assurance est dit à base « réclamation ».

Pour les contrats à base « fait dommageable », le sinistre est déclenché, et donc mobilise la garantie, dès lors que le fait dommageable survient durant l’application du contrat.

Pour les contrats à base « réclamation », le sinistre est déclenché par la réclamation formulée par un tiers au contrat, et cette réclamation doit donc survenir durant l’application du contrat (même si le fait dommageable est survenu antérieurement au début du contrat).

La distinction entre les deux contrats doit être expressément prévue dans la police d’assurance.

A défaut de mention du fait dommageable ou de la réclamation, la Cour de cassation admet qu’il doit être retenu le « fait dommageable » comme date du sinistre pour que la police d’assurance s’applique :

« C’EST PAR UNE INTERPRETATION, DONT LA NECESSITE EXCLUT TOUTE DENATURATION QUE LA COUR D’APPEL A ESTIME QUE LA DATE DU SINISTRE ETAIT CELLE DU FAIT MATERIEL DOMMAGEABLE A RAISON DUQUEL LA RESPONSABILITE DE L’ENTREPRENEUR ETAIT RECHERCHEE, FAIT ANTERIEUR A LA RESILIATION » (Cass.1ère civile, 11 mai 1982, n°87-18421)

Le juge du fond a d’ailleurs toute latitude pour définir la date de survenance des sinistres, en la fixant bien avant les premiers désordres apparus (Cass. Civ.1ère 27 mars 1990, n°87-18421)

Or, les dispositions de l’article L.124-5 du Code des assurances précisent que :

«  La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. »

Dès lors, si la résiliation du contrat d’assurance est intervenue postérieurement au fait dommageable, et que le contrat d’assurance n’a pas précisé qu’il était formé sur une base « réclamation », alors la résiliation n’a aucun effet sur la prise en charge du sinistre (à condition toutefois que la prescription biennale ne soit pas intervenue).

L’assureur sera donc tenu de garantir le sinistre et ne pourra opposer un refus de garantie.

Si en revanche la réclamation intervient postérieurement à la résiliation, alors l’assureur qui a succédé sera tenu. Si aucun assureur n’a succédé après la résiliation, alors la garantie subséquente pourrait couvrir le sinistre (cf. la garantie subséquente ci-après).

Les conditions de la résiliation de la police d'assurance pour défaut de paiement des primes

Si le contrat est formé sur la base d’une réclamation et que cette dernière intervient après une résiliation, il convient d’ores et déjà de s’attacher à vérifier que la résiliation est intervenue conformément au code des assurances.

Dans le cas contraire, l’assureur pourrait ne pas bénéficier de cette résiliation.

Il sera traité la procédure de résiliation pour cause de non paiement des primes, qui représente la grande majorité des résiliations.

L’article L113-2 du code des assurances dispose que :

« L’assuré est obligé :

1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ».

L’article L113-3 dudit code prévoit quant à lui :

« A défaut de paiement d’une prime, ou d’une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l’assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d’une des fractions de prime, produit ses effets jusqu’à l’expiration de la période annuelle considérée. La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de l’assuré.

L’assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l’expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article ».

Le défaut de paiement d’une prime d’assurance peut entraîner dès lors, à la demande de l’assureur, la non-garantie des sinistres survenus postérieurement à cette échéance et à la résiliation dudit contrat.

La procédure est établie à l’article L113-3 du code des assurances durant laquelle :

  • 10 jours après l’échéance impayée, l’assureur peut envoyer une lettre recommandée mettant en demeure l’assuré de payer ladite échéance et lui signalant que :
  • La garantie est maintenue pendant une période de 30 jours qui court à partir de l’envoi de la mise en demeure mais fait naître une suspension de la garantie à la fin de ce délai à défaut de règlement,
  • A l’expiration d’un délai de 40 jours à compter de la mise demeure, l’assureur peut procéder à la résiliation du contrat.

On rappellera que seul un envoi en recommandé est nécessaire pour faire courir les délais, l’avis de réception n’est pas exigé (Cassation 2ème civile, 16 novembre 2006 n°05-12732).

L’article R113-1 du code des assurances précise que la mise en demeure « résulte de l’envoi d’une lettre recommandée, adressée à l’assuré ou à la personne chargée du paiement des primes à leur dernier domicile connu de l’assureur ».

Ainsi, la seule preuve de l’envoi de la lettre recommandée par l’assureur, ainsi que le respect des délais mentionnés à l’article L113-3 du code des assurances, valident la résiliation, à défaut de paiement, dans les délais de 40 jours à compter de la mise en demeure, du contrat d’assurance.

Mais encore faut-il que l’assureur ait respecté les délais mentionnés, et fournisse la preuve de l’envoi du recommandé.

La garantie subséquente : un obstacle au refus de garantie

L’article L.124-5 du Code des assurances prévoit que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration.

Ainsi donc, si la résiliation est intervenue avant la réclamation dans un contrat d’assurance à base « réclamation » et qu’aucun autre contrat d’assurance n’a pris la suite, alors l’assureur dont la police était en vigueur au jour du fait dommageable devra couvrir le sinistre.

Cette garantie, dite subséquente, ne peut être inférieure à 5 ans à compter de la résiliation de sa police.

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  • Dernière modification de la publication :21 février 2022