AVOCAT MOUY

Le secret professionnel du Notaire

Le Notaire est, à l'instar des avocats ou des expert-comptables, astreint à une lourde charge : le secret professionnel. Il ne peut divulguer de quelconques informations qu'il détient à l'égard d'un client à quiconque, sauf à y être autorisé par une autorité judiciaire.

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I. Principe général du secret professionnel du Notaire

En complément de l’interdiction de communiquer les minutes et de délivrer des expéditions ou des extraits d’actes à d’autres qu’aux intéressés directs et à leurs ayants cause, les notaires sont astreints au secret professionnel (C. pén., art. 226-13 et 226-14).

Le secret professionnel du notaire est « général et absolu » (article 3.4 du règlement national).

Cette obligation s’étend à tous les faits qui leur sont confiés dans l’exercice de leur profession, même si le secret ne leur a pas été expressément demandé (Crim. 3 mars 1938 ; CA Orléans, 4 mars 1992).

L’obligation au secret est, pour un officier public, un devoir impératif de sa charge : peu importe qu’il soit intervenu dans le cadre de sa fonction d’authentificateur ou dans l’exercice de l’une des activités complémentaires qui sont également les siennes : rédaction de consultations juridiques, d’actes sous seing privé, négociation, expertise immobilière, gestion de patrimoine, etc.

« Le secret est pour les notaires, appelés par leur ministère à être les confidents et les conseils des particuliers, un devoir inhérent à leur profession même » (Paris ch. acc. 13 juill. 1973).

La méconnaissance de ce devoir « fonctionnel » est assortie de nombreuses sanctions et soulève, en pratique, quelques difficultés d’application. Elle est parfois tenue en échec par la prise en considération de l’intérêt général.

II. Les sanctions de la violation du secret professionnel par un Notaire

La violation du Secret professionnel par un Notaire est une infraction passible de sanctions :

  • pénales Article 226-13 du Code pénal :

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

  • disciplinaires article 2 de l’ordonnance du 28 juin 1945 :

« Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire.

L’officier public ou ministériel peut être poursuivi disciplinairement, même après l’acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l’exercice de ses fonctions. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l’office quelle que soit la peine infligée. »

  • civiles (articles 1240 et suivants du code civil)

La violation du secret professionnel du Notaire constitue une faute qui, si elle est à l’origine d’un préjudice, engage la responsabilité civile de son auteur, sur la base des articles 1240 et suivants du code civil. Le notaire encourt une condamnation au paiement de dommages et intérêts, calculés de façon à réparer l’intégralité du préjudice subi par la personne victime de la divulgation de l’information qui aurait dû rester secrète.

Sur le plan déontologique, l’article 20 du règlement national du notariat énonce que :

« Le notaire est tenu au secret professionnel.

Il doit : 

  • n’accepter de témoigner sur ses clients ou affaires de son étude que dans les cas expressément prévus par la loi telle qu’elle est interprétée par la jurisprudence ;
  • refuser de donner communication des actes déposés en son office sauf aux parties elles mêmes,leurs héritiers ou ayants droit ou leurs mandataires, ou toute personne autorisée par la loi ou par décision judiciaire, qui auront à justifier de leur identité et de leur qualité (loi du 25 Ventôse, an XI, article 23) ;
  • se faire assister lors de toute perquisition dans les locaux de son office par le président de sa chambre ou son représentant.

Le président veille avec le juge d’instruction, au respect du secret professionnel conformément à la loi. »

Le secret professionnel notarial n’est pas d’intérêt purement privé, en ce sens qu’il ne vise pas uniquement à protéger le client, mais vise également à protéger l’ensemble de la profession en ne dissuadant pas les futurs clients de se confier librement (J. de Poulpiquet, Responsabilité des notaires : civile, disciplinaire, pénale, D. 2003, nos92-21 et s.).

Etant d’ordre public, les auteurs s’accordent à estimer que seule une disposition législative permet donc de délivrer le notaire de ce secret professionnel, lequel est « général et absolu ».

Il a ainsi été jugé en ce sens :

«Attendu que le secret professionnel du Notaire est d’ordre public, et peut être invoqué par toutes personnes dépositaires par état ou profession des secrets qu’on leur a confiés ; qu’il y a là pour les notaires appelés par leur ministère, à être les confidents et les conseils des particuliers, un devoir inhérent à leur profession même et qui est indépendant de tout secret conventionnellement imposé ; qu’il en est ainsi dans l’intérêt supérieur de tous ceux qui ont recours à l’intérêt de leur ministère pour tous les actes rentrant dans la profession notariale et qu’il faut décider en principe qu’ils sont tenus au secret pour tout ce qui parvient à leur connaissance, en raison de ce ministère, à la seule condition que l’acte qui a donné lieu aux communications qui leur ont été faites, soit un acte rentrant dans leurs attributions».

(CA Bordeaux, 1er juin 1926, DP 1927.2.13, note Falcimaigne)

III. Les limites du secret professionnel du Notaire

Certaines limites permettent au Notaire de divulguer des informations couvertes par le secret professionnel:

  • L’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale qui dispose que :

« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.« 

  • L’accord de toutes les parties (encore que sur ce point, les auteurs sont opposés considérant que le secret professionnel étant général et absolu comme évoqué précédemment, la partie concernée par ce secret ne saurait délier le notaire);

 

  • En cas d’action en responsabilité civile professionnelle, le Notaire peut, pour se défendre, verser au débat l’ensemble des courriers et informations détenues sur celui qui le met en cause; C’est d’ailleurs un principe de proportionnalité que l’on retrouve fréquemment en droit pénal avec le régime de la preuve.

IV. Comment lever le secret professionnel : la procédure spécifique

Il n’est pas possible de reprocher au Notaire de ne pas avoir divulguer d’information qu’il détenait sur un tiers sans engager une procédure préalable de levée du secret professionnel (voir en ce sens Cass. 1 11 janvier 2023, 20-23679).

L’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, dispose que :

« Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 15 euros, et d’être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication. »

Ce n’est donc qu’à l’issue de cette procédure préalable (ou par une procédure en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile), qu’il est possible d’obtenir une information du Notaire capitale pour notre affaire.

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  • Dernière modification de la publication :29 janvier 2023