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Avocat MOUY

Le vendeur professionnel est tenu de garantir tous les vices cachés sans aucune exonération conventionnelle possible

Vice caché immobilier Fissures

Tenu de connaître les vices afférents au bien qu’il cède, le vendeur professionnel ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (Cass. civ 3, 15 juin 2022, 21-21.143).

Nouveau coup dur pour les vendeurs de biens immobiliers qui, sans être de véritables professionnels de la vente immobilière, sont des professionnels de la construction.

En effet, la Cour de cassation vient de définir les contours de l’article 1643 du Code civil pour rejeter, en présence d’un vendeur, professionnel de la construction, toute possibilité de l’exonérer de la garantie des vices cachés en invalidant une clause prévue dans l’acte de vente.

Les faits qui permettent d'écarter la clause d'exonération des vices cachés

Un maçon professionnel avait acheté une ferme dans les années 1990 pour effectuer des travaux de rénovation lourde, permettant de transformer celle-ci en maison à usage d’habitation. Les murs de façade et les sols avaient été refaits, un mur de refend avait également été édifié pour la transformation.

Le 3 mai 2012, il a vendu ce bien à un acquéreur totalement profane en matière immobilière et en construction.

Dans l’acte était prévue la clause usuelle d’exonération des vices cachés.

On rappellera que cette clause n’est valable qu’en présence d’un vendeur de bonne foi qui n’avait pas connaissance des vices affectant le bien lors de la vente.

Postérieurement à la vente (3 ans après et 20 ans après les travaux de rénovation), l’acquéreur subissait de graves désordres sur le bien (fissures, et écartèlement d’une partie de la maison).

Un expert amiable fût mandaté par l’assurance protection juridique de l’acquéreur qui conclut que les désordres provenaient d’un différentiel entre les anciennes fondations de la ferme, et les nouvelles fondations qui avaient été réalisées par le vendeur pour édifier les nouveaux murs (façade et refend).

Cette expertise amiable n’ayant pas la même valeur qu’une expertise judiciaire, l’acquéreur intenta une action en référé pour voir ordonner une expertise judiciaire.

L’expert judiciaire désigné, après s’être adjoint d’un sapiteur pour étudier les sols, indiqua dans son rapport que les désordres provenaient des travaux réalisés par le vendeur, qui avaient perturbé la circulation de l’eau en sous sol argileux, déstabilisant le sous-sol.

L’acquéreur engagea alors, par délivrance d’une assignation par avocat, un procès au fond pour demander (non pas la résolution de la vente) une restitution partielle du prix d’acquisition (outre des dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi).

La procédure d'appel a admis la validité de la clause d'exonération des vices cachés

En première instance, le Tribunal judiciaire avait écarté la clause exonératoire de garantie des vices cachés, et fait droit aux demandes de l’acquéreur.

Elle estimait que le vendeur devait être reconnu comme un professionnel, et que cette clause ne pouvait donc produire effet, conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (Civ. 3eme 9 février 2011).

Le maçon vendeur interjeta appel. Bien inspiré, son avocat tenta d’infléchir cette jurisprudence pour redonner vie à l’esprit du texte de l’article 1643 du Code civil, en se basant notamment sur le rapport d’expertise judiciaire.

Il soutenait en effet que si son client, le vendeur, était un professionnel de la construction, il n’était pas géotechnicien ni ingénieur en structures (ce sont les deux sapiteurs qui avaient assisté l’expert judiciaire dans les opérations pour permettre d’établir l’origine des désordres).

Partant, il ne pouvait se voir imposer une présomption irréfragable de connaissance des vices cachés (présomption qui pèse sur tous les vendeurs professionnels), alors que le vice du sol dépassait largement ses connaissances techniques.

Merveilleuse défense de l’avocat qui emportera la conviction de la Cour d’appel de Besançon, laquelle validant la clause exonératoire et déboutera l’acquéreur de ses demandes indemnitaires.

L’acquéreur formera alors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette toute exception à la présomption de mauvaise foi du vendeur dit professionnel

La Cour de cassation, dans son arrêt du 15 juin 2022, relève le problème juridique qui lui est soulevé en ces termes :

« Pour dire que la clause exonératoire devait produire ses effets, l’arrêt retient que la profession d’entrepreneur en maçonnerie de M. [X] n’impliquait pas la possession des connaissances techniques lui permettant, quand il avait fait les travaux de rénovation de 1990 à 1994, d’anticiper un vice du sol. »

Elle clôt alors tout débat en affirmant que « tenu de connaître les vices de la chose vendue, (le vendeur professionnel) ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.« 

En d’autres termes, la Cour de cassation estime que quelles que soient les compétences techniques du vendeur professionnel, il est soumis à la présomption irréfragable de connaissance de tous les vices cachés affectant un bien immobilier, y compris ceux affectant les sols (les sous sols d’ailleurs), et donc totalement assimilé à un vendeur de mauvaise foi.

Cette présomption est donc une épée de Damoclès sur tous les vendeurs, professionnels de l’immobilier ou de la construction.

On précisera d’ailleurs que le même jour, la Cour de cassation est venue affirmer que la force majeure (ou à tout le moins un évènement extérieur et imprévisible) ne saurait exonérer le vendeur de mauvaise foi :

Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l’arrêt retient qu’un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constitue pas un vice caché.

En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. (Cass. civ 3, 15 juin 2022, 21-13.286)

Le vendeur professionnel étant présumé de mauvaise foi de manière irréfragable, sa garantie pour vice caché est donc acquise même si le vice résulte d’un évènement extérieur et imprévisible (et certainement même en cas d’évènement également irrésistible).

Les vendeurs professionnels ou professionnels de la construction doivent donc faire attention en cas de vente d’un bien.

Quid de la responsabilité du Notaire en cas de rejet de la clause d'exonération des vices cachés?

Certains auteurs se posent la question de la responsabilité du Notaire à la suite de tels arrêts rendus par la Cour de cassation.

En effet, en se mettant à la place des vendeurs, on peut trouver fautif le fait pour un Notaire d’avoir inclus dans un acte de vente une clause qui se révèle finalement inefficace.

Les Notaires étant tenus d’assurer la sécurité des actes juridiques qu’ils établissent, le fait que la clause soit privée d’effet pourrait-elle caractériser une faute du Notaire?

Pour y répondre positivement, il faudrait reconnaître que refuser d’inscrire une telle clause aurait nécessité de la part du Notaire des dons de voyance extralucide.

En effet, il aurait dû anticiper l’apparition d’un vice (par nature caché), découlant d’un mouvement de terrain (dont seul un géotechnicien avait pu déceler) pour refuser d’inscrire une telle clause?

Par ailleurs, quel serait le préjudice?

Le fait d’avoir dû rembourser tout ou partie du prix de vente? Le fait d’avoir dû verser des dommages et intérêts ?

Il faut se replacer sur le droit de la responsabilité pour analyser ces préjudices.

En effet, le principe indemnitaire de la responsabilité civile consiste à replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute alléguée n’avait pas été commise.

Or, si le Notaire avait refusé d’insérer une telle clause, l’action pour vice caché de l’acquéreur aurait prospéré de la même manière.

Vue de ma fenêtre, je ne vois pas au titre de quelle faute le notaire aurait engagé sa responsabilité, d’autant que l’inefficacité de la clause provient non pas d’une difficulté rédactionnelle, mais en réalité soit du comportement du vendeur (mauvaise foi), soit de sa qualité de professionnel pour avoir effectué des travaux qu’il n’a certainement pas déclaré à l’acte de vente et au Notaire, puisque le vendeur n’est tenu de déclarer que les travaux réalisés depuis moins de 10 ans (pour la garantie décennale en cas de désordre).

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  • Dernière modification de la publication :14 juillet 2022