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Avocat MOUY
Le secret professionnel du Notaire ne peut être levé que par le Président du Tribunal judiciaire
Le refus du Notaire de donner la nouvelle adresse d'un client ne saurait donner lieu à sa condamnation civile à l'égard de celui qui la réclame sans avoir au préalable engager la procédure spécialement prévue (Cass. civ. 11 janvier 2023).
La Cour de cassation vient récemment de confirmer que le Notaire ne saurait être recherché et voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir divulguer une information sollicitée par une partie à l’acte, son obligation au secret étant absolu et nécessitant, pour sa levée, d’engager la procédure spéciale de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI.
Les faits
Un jugement a déclaré une vente immobilière caduque et a condamné l’acquéreur à payer diverses sommes au vendeur.
Le vendeur a engagé une action en responsabilité et indemnisation contre le notaire, lui reprochant une obstruction à l’exécution du jugement.
En effet, bien que connaissant la nouvelle adresse du vendeur, le Notaire n’a pas fourni les informations à l’Huissier de justice chargé du recouvrement des sommes mises à la charge de l’acquéreur.
Estimant que ce refus était fautif, le vendeur a engagé une action devant le Tribunal judiciaire d’Argentan.
La procédure
Par décision 5 novembre 2020, le Tribunal judiciaire d’Argentan a fait droit à la demande du vendeur.
Le Tribunal a retenu que
- le secret professionnel qui s’impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier public de révéler à l’autorité judiciaire qui l’en requiert l’adresse d’un client lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de justice ;
- le notaire n’oppose aucune cause légitime susceptible de justifier son refus de transmettre à un huissier de justice, en charge de l’exécution de justice, l’adresse de sa cliente, de sorte que le notaire a fait obstruction à l’exécution de cette décision de justice.
Cette position signifiait que le Notaire ne pouvait refuser de divulguer des informations sans justifier d’un motif légitime (inversant ainsi le principe même du secret professionnel du Notaire).
Rendu en dernier ressort compte tenu des sommes en jeu, le Notaire forma un pourvoi en Cassation (à juste titre).
Les moyens soulevés par le Notaire
Le Notaire souleva un moyen simple, le texte de l’article 23 de loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803).
En effet, il faisait ainsi grief à la décision » de le condamner à payer une certaine somme en réparation du préjudice subi, alors « que le notaire n’est tenu de révéler l’adresse d’un client qu’à la seule autorité judiciaire qui l’en requiert, lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de justice ; qu’en jugeant que M. [U] avait commis une faute en ne transmettant pas à un huissier de justice la nouvelle adresse de sa cliente, sans constater qu’une autorité judiciaire avait requis qu’il délivre une telle information, indispensable à l’exécution d’une décision de justice, le tribunal a privé sa décision de base légale au visa de l’article 23 de loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803). »
L’argument est imparable, sauf à renverser contra legem la charge de la preuve d’un motif légitime justifiant la levée du secret professionnel si l’on sauve la décision attaquée.
Si l’on conserve la position du Tribunal judiciaire, il appartient au Notaire de justifier son refus, alors que la loi prévoit au contraire une procédure spéciale pour la levée du secret professionnel obligeant le réclamant à justifier du motif légitime permettant au Président du Tribunal judiciaire d’autoriser la levée du secret professionnel (et donc la divulgation des informations demandées).
La position de la Cour de cassation
Rappelant que selon l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI « les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende« , la Cour de cassation va casser la décision rendue.
Elle rappellera qu’il n’existe aucune exception à la procédure spéciale de saisine du Président du Tribunal judiciaire, et que ce dernier ne l’ayant pas été, aucune autorité judiciaire n’avait requis le Notaire de fournir l’information litigieuse.
Partant, son refus de communication n’était pas fautif.
Elle casse alors la décision attaquée en exigeant que pour condamner un Notaire sur un tel motif, il y a lieu de « si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié le notaire du secret professionnel, s’agissant d’une information contenue dans un acte qu’il aurait établi« (Cass. Civ. 11 janvier 2023).