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Avocat MOUY
LA PERTE D’ENSOLEILLEMENT ET DE VUE PEUT ENTRAINER LA DÉMOLITION DE L'OUVRAGE LITIGIEUX
« La perte de vue et d’ensoleillement causée par une construction d’une extension voisine qui constitue un trouble anormal du voisinage peut entraîner la démolition de celle-ci, indépendamment de l’appréciation des règles d’urbanisme» (Cass. 3e civ 20 octobre 2021 n° 19-23233)
Les faits ayant engendré une perte de vue et d'ensoleillement
Des propriétaires se plaignaient de la vue gâchée et de la perte d’ensoleillement causées par la construction voisine en limite de propriété.
Il s’agit d ‘une extension réalisée selon un premier permis de construire délivré le 24 novembre 2008, annulé par le juge administratif le 19 juin 2012, puis un second permis, délivré le 16 janvier 2013, également annulé le 12 avril 2018.
Estimant que cette extension leur cause un trouble anormal de voisinage, ils intentent une action en démolition par voie d’assignation.
On rappellera que le trouble anormal de voisinage est une théorie qui découle de la jurisprudence, et fondée sur l’article 544 du Code civil.
La cour d’appel considère que l’extension cause aux demandeurs un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu’il y ait lieu de rechercher si une faute a été commise.
Elle relève à cet effet que cette construction a été réalisée sur une longueur de 17 mètres et une hauteur de 4 mètres, pour une emprise au sol de 70 m2. Alors que leur propriété se situe dans une zone à faible densité urbaine, au lieu d’une vue dégagée sur les collines, les demandeurs ont désormais une vue sur un mur de parpaings faisant de l’ombre à leur piscine.
La cour d’appel condamne le voisin, sous astreinte, à la démolition de son extension.
Ce dernier se pourvoit en cassation.
La perte de vue ou d'ensoleillement ne provoque par principe qu'une indemnisation
Par principe, la perte d’ensoleillement est un trouble anormal de voisinage qui entraîne une responsabilité de plein droit du propriétaire du fonds voisin.
Cette responsabilité entraîne dès lors une indemnisation du fonds victime, la réparation du préjudice se chiffrant en fonction des circonstances.
Ainsi, une perte d’ensoleillement dans une zone urbaine aura moins de conséquence qu’en zone rurale.
Tout dépend donc de la localisation du fonds victime du trouble.
Mais il peut également arriver que la perte d’ensoleillement entraîne la démolition de l’ouvrage litigieux, comme cela a été le cas en l’espèce.
La perte de vue ou d'ensoleillement justifie cependant la démolition de l'ouvrage dont le permis est annulé
Le propriétaire de l’ouvrage reproche aux juges du fond d’avoir refusé l’application de l’article L480-13 du Code de l’urbanisme, qui permet d’agir en responsabilité civile pour obtenir la démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé.
Il fait valoir qu’en vertu de ce texte la démolition ne peut prospérer que dans certains périmètres protégés ou à risque et il n’est pas allégué en l’espèce que la construction se situe dans l’un de ces périmètres.
Il fait valoir qu’en vertu de ce texte la démolition ne peut prospérer que dans certains périmètres protégés ou à risque et il n’est pas allégué en l’espèce que la construction se situe dans l’un de ces périmètres.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
L’article L480-13 du Code de l’urbanisme ne s’appliquant qu’aux demandes de démolition fondées sur la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique, c’est sans violer ce texte que la cour d’appel, appréciant souverainement les modalités de réparation du trouble anormal de voisinage qu’elle a constaté, a ordonné la démolition.
(Cass. 3e civ 20 octobre 2021 n° 19-23233).
La jurisprudence ici rendue est conforme, même si elle peut paraître assez sévère.
En effet, les troubles anormaux de voisinage qui font perdre la vue ou l’ensoleillement sont plus sévèrement réprimés en zone à faible densité urbaine.
Dans une zone urbaine à forte densité, comme à Paris ou en proche banlieue, la perte de vue est tolérée car les magistrats estiment qu’en habitant dans de telles zones, les propriétaires des fonds qui seraient dérangés par un tel trouble l’ont accepté eu égard à la densité de la zone.